Semper Reformanda
www.vbru.net/src/
Menu
Semper Reformanda Index du ForumIndex
FAQFAQ
FAQRangs
Liste des MembresListe des Membres
Groupes d'utilisateursGroupes d'utilisateurs
S'enregistrerS'enregistrer
ProfilProfil
Se connecter pour vérifier ses messages privésMessages
ConnexionConnecté/Deconnecté

Qui est en ligne
Administrateur & Modérateur


Liens
Site Réformé Confessant
Livre d'or SRC
Chat SRC
-------------
Créez votre blogg
Votre album photos

Recherche rapide

Recherche avancée
Google

phpBB Group
Guerre "juste" ?
Aller à la page 1, 2, 3, 4  Suivante
 
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet    Semper Reformanda Index du Forum -> Ethique
Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant  
Auteur Message
Calvinius

Administrateur


Inscrit le: 14 Mar 2004
Messages: 377
Localisation: Nîmes

MessagePosté le: Lun Mar 27, 2006 18:44    Sujet du message: Guerre "juste" ? Répondre en citant

Y a-t-il des guerres justes ?

--------------------------------------------------------------------------------

Suite à la polémique sur les Croisades provoquée par la sortie du film Kingdom of Heaven, ou encore la guerre en Irak, il semble nécessaire de lancer une discussion sur la légitimité de la guerre, ou en d'autres termes, il convient de se demander s'il existe des guerre justes. Comme premier élément de réponse, je vous propose l'article 1 « Y a-t-il une guerre qui soit licite ? » de la question 40 « La guerre », tiré de la Somme théologique de saint Thomas d'Aquin, Secunda secundae:

Y a-t-il une guerre qui soit licite ?

Objections :

1. Il semble que faire la guerre soit toujours un péché. Car on n’inflige de châtiment que pour un péché. Or, le Seigneur, en S. Matthieu (26, 52), notifie un châtiment pour ceux qui font la guerre : " Tous ceux qui prennent l’épée périront par l’épée. " La guerre est donc toujours illicite.

2. Tout ce qui est contraire à un précepte divin est péché. Or, faire la guerre est contraire à un précepte divin. Il est dit en S. Matthieu (5, 39) : " Et moi, je vous dis de ne pas tenir tête au méchant ", et dans l’épître aux Romains (12, 19) : " Ne vous faites pas justice vous-mêmes, mes bien-aimés ; laissez agir la colère de Dieu. " C’est donc toujours un péché de faire la guerre.

3. Il n’y a que le péché qui soit contraire à un acte de vertu. Or la guerre est contraire à la paix. La guerre est donc toujours un péché.

4. Tout entraînement en vue d’une activité licite est lui-même licite ; c’est le cas pour les exercices intellectuels. Mais les exercices guerriers comme les tournois sont prohibés par l’Église, et ceux qui meurent dans des exercices de ce genre, privés de la sépulture ecclésiastique. La guerre semble donc être absolument un péché.

En sens contraire, S. Augustin écrit : " Si la morale chrétienne jugeait que la guerre est toujours coupable, lorsque dans l’Évangile, des soldats demandent un conseil pour leur salut, on aurait dû leur répondre de jeter les armes et d’abandonner complètement l’armée. Or, on leur dit (Lc 3, 14) : "Ne brutalisez personne, contentez-vous de votre solde." Leur prescrire de se contenter de leur solde ne leur interdit pas de combattre. "

Réponse : Pour qu’une guerre soit juste, trois conditions sont requises :

1. L’autorité du prince, sur l’ordre de qui on doit faire la guerre. Il n’est pas du ressort d’une personne privée d’engager une guerre, car elle peut faire valoir son droit au tribunal de son supérieur ; parce qu’aussi le fait de convoquer la multitude, nécessaire pour la guerre, n’appartient pas à une personne privée. Puisque le soin des affaires publiques a été confié aux princes, c’est à eux qu’il appartient de veiller au bien public de la cité, du royaume ou de la province soumis à leur autorité. De même qu’ils le défendent licitement par le glaive contre les perturbateurs du dedans quand ils punissent les malfaiteurs, selon cette parole de l’Apôtre (Rm 13, 4) : " Ce n’est pas en vain qu’il porte le glaive ; il est ministre de Dieu pour faire justice et châtier celui qui fait le mal " ; de même aussi il leur appartient de défendre le bien public par le glaive de la guerre contre les ennemis du dehors. C’est pour cela qu’il est dit aux princes dans le Psaume (82, 4) : " Soutenez le pauvre, et délivrez le malheureux de la main des pécheurs ". et que S. Augustin écrit : " L’ordre naturel, appliqué à la paix des mortels, demande que l’autorité et le conseil pour engager la guerre appartiennent aux princes. "

2. Une cause juste : il est requis que l’on attaque l’ennemi en raison de quelque faute. C’est pour cela que S. Augustin écrit : " On a coutume de définir guerres justes celles qui punissent des injustices quand il y a lieu, par exemple de châtier un peuple ou une cité qui a négligé de punir un tort commis par les siens, ou de restituer ce qui a été enlevé par violence. "

3. Une intention droite chez ceux qui font la guerre : on doit se proposer de promouvoir le bien ou d’éviter le mal. C’est pour cela que S. Augustin écrit : " Chez les vrais adorateurs de Dieu les guerres mêmes sont pacifiques, car elles ne sont pas faites par cupidité ou par cruauté, mais dans un souci de paix, pour réprimer les méchants et secourir les bons. " En effet, même si l’autorité de celui qui déclare la guerre est légitime et sa cause juste, il arrive néanmoins que la guerre soit rendue illicite par le fait d’une intention mauvaise. S. Augustin écrit en effet : " Le désir de nuire, la cruauté dans la vengeance, la violence et l’inflexibilité de l’esprit, la sauvagerie dans le combat, la passion de dominer et autres choses semblables, voilà ce qui dans les guerres est jugé coupable par le droit. "

Solutions :

1. D’après S. Augustin : " Celui-là prend l’épée qui, sans autorité supérieure ou légitime qui le commande ou le permette, s’arme pour verser le sang. " Mais celui qui, par l’autorité du prince ou du juge s’il est une personne privée, ou s’il est une personne publique par zèle de la justice, et comme par l’autorité de Dieu, se sert de l’épée, celui-là ne prend pas lui-même l’épée, mais se sert de l’épée qu’un autre lui a confiée. Il n’encourt donc pas de châtiment. Cependant, ceux qui se servent de l’épée en commettant un péché ne tombent pas toujours sous l’épée. Mais ils périssent toujours par leur propre épée ; car ils sont éternellement punis pour avoir péché par l’épée, sauf s’ils se repentent.

2. Ces sortes de préceptes, selon S. Augustin, doivent toujours être observés à titre de disposition intérieure, c’est-à-dire qu’on doit toujours être prêt à ne pas résister ou à ne pas se défendre alors qu’il le faudrait. Mais parfois il faut agir autrement, pour le bien commun, et même pour le bien de ceux que l’on combat. C’est pour cela que S. Augustin écrit : " Il faut agir fortement même avec ceux qui s’y refusent, afin de les plier par une certaine dureté bienveillante. Car celui que l’on prive du pouvoir de mai faire subit une défaite profitable. Rien n’est plus malheureux, en effet, que l’heureux succès des pécheurs, car l’impunité qui est leur peine s’en trouve nourrie, et leur mauvaise volonté, qui est leur ennemi intérieur, s’en trouve fortifiée ".

3. Ceux qui font des guerres justes recherchent la paix. Et par suite, ils ne s’opposent pas à la paix, sinon à la paix mauvaise que le Seigneur " n’est pas venu apporter sur la terre ", selon S. Matthieu (10, 34). C’est pour cela que S. Augustin écrit : " On ne cherche pas la paix pour faire la guerre, mais on fait la guerre pour obtenir la paix. Sois donc pacifique en combattant, afin de conduire ceux que tu connais au bienfait de la paix, en remportant sur eux la victoire. "

4. Les exercices guerriers ne sont pas universellement prohibés. Ce qui est défendu, ce sont seulement les exercices désordonnés et dangereux qui donnent lieu à des meurtres et à des pillages. Chez les anciens, on pratiquait des exercices ordonnés à la guerre qui n’avaient aucun de ces dangers. Aussi les appelait-on des " préparations d’armes " ou des " guerres non sanglantes ", comme on le voit par S. Jérôme, dans une de ses lettres.


PS : Votre serviteur, créateur et modérateur de ce forum, sert dorénavant sous les drapeaux... en tant qu'aumônier militaire... du 1-11 Régiment de Cuirassiers de Carpiagne et du 4ème Régiment du Matériel de Nîmes. Vous comprendrez son intérêt pour la question. Alors à vos claviers braves gens !
_________________
" Il n'est pas de domaine de la vie des hommes dont le Christ ne puisse dire : "c'est à moi"" (Abraham Kuyper)
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Envoyer un e-mail Visiter le site web de l'utilisateur MSN Messenger
Augustinus

Consacré !


Inscrit le: 30 Juin 2004
Messages: 1298
Localisation: Patriarcat Virtuel

MessagePosté le: Lun Mar 27, 2006 21:08    Sujet du message: Guerres Justes Répondre en citant

Y'a-t-il des guerres justes?
Excellente question!

Quand on se demande s'il existe des "guerres justes", on laisse entendre qu'il est admis que les guerres sont injustes, et qu'on veut seulement savoir maintenant si cette règle à des exceptions ou non...
Bien.
Alors d'abord, il faudrait définir ce qu'on trouve de plus juste dans la paix que dans la guerre, et voir s'il est vrai qu'une situation dite de "paix" répond toujours aux critères posés.
Car quand une paix n'est plus que nominale, vouloir l'entretenir, n'est-ce pas une complicité à l'égard d'un mal?
_________________
Chantez à l'Eternel, vous qui l'aimez,
Célébrez par vos louanges Sa Sainteté!
Car sa colère dure un instant,
mais sa grâce toute la vie;
le soir arrivent les pleurs,
et le matin l'allégresse.

Psaume XXX.5-6
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Envoyer un e-mail
Walther




Inscrit le: 19 Mar 2006
Messages: 2

MessagePosté le: Lun Mar 27, 2006 21:10    Sujet du message: Répondre en citant

L'époque moderne nous laisse bien perplexe quant à ce débat: en 1914 Français et Allemands, y compris des théologiens protestants, pensaient que leur pays menait une guerre juste.
Il me semble qu'il n'y a pas de guerre juste ou injuste-toute guerre est l'oeuvre du péché-il ya des guerres conformes à l'intérêt national et d'autres qui le sont moins.
La guerre d'Irak est certainement juste du point de vue américain aprés le 11 septembre, elle l'est moins pour nous car cela ne correspondait pas à l'intérêt de la France.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Augustinus

Consacré !


Inscrit le: 30 Juin 2004
Messages: 1298
Localisation: Patriarcat Virtuel

MessagePosté le: Lun Mar 27, 2006 21:17    Sujet du message: Répondre en citant

Je ne suis pas sur d'être d'accord avec vous Walter.
Il est certes vrai qu'il y a des guerres qui sont plus ou moins necessaires pour tel ou tel pays, à tel ou tel moment de son histoire;
néanmoins, tout ne se résume pas à cela Exclamation
Combattre Hitler était juste;
attaquer demain la Suède pour s'emparer de telle ou telle de ses ressources ne le serait pas.
_________________
Chantez à l'Eternel, vous qui l'aimez,
Célébrez par vos louanges Sa Sainteté!
Car sa colère dure un instant,
mais sa grâce toute la vie;
le soir arrivent les pleurs,
et le matin l'allégresse.

Psaume XXX.5-6
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Envoyer un e-mail
Pierre

Invité





MessagePosté le: Lun Mar 27, 2006 22:15    Sujet du message: Répondre en citant

Bonsoir,

Je vous suggère de lire ces deux dossiers intéressants. (Il y en à d’autres…).


La force armée au service de l'Etat

Ce dossier emprunte beaucoup aux travaux du colloque sur « La Guerre Juste » organisé à Lyon le 15 janvier 2000 par l’Institut Saint Grégoire le Grand, ainsi qu’aux ouvrages cités en référence.
De Saint Ambroise et Saint Augustin à Saint Thomas d’Aquin s’est élaborée une doctrine cohérente, dite de la « guerre juste », qui n’a pas pour objet de justifier la guerre, comme on a pu lui en faire grief, mais de déterminer les conditions d’une guerre juste. Doctrine de référence pendant les siècles de Chrétienté, si elle a décliné ensuite au fur et à mesure que s’est imposé la raison d’Etat niant tout principe supérieur, elle inspire encore nombre de dispositions de nos conventions internationales. Bien que n’ayant jamais fait l’objet du magistère officiel de l’Eglise, cette doctrine n’en représente pas moins un outil puissant et actuel d’analyse politique.
Cette étude n’a ni la possibilité ni la prétention d’épuiser tous les aspects d’une question fort complexe. Elle n’abordera pas notamment le rôle de la providence divine dans les conflits ; ni même la question connexe à notre sujet des légitimes insurrections contre un pouvoir tyrannique. Elle n’a pas pour objet de mettre en valeur les hautes vertus que le soldat peut exercer à la guerre, qui ne suffiraient à justifier ni ne sauraient faire aimer la guerre. Elle se limitera à quelques considérations sur la réalité de la guerre et le juste recours à celle-ci de la part de l’Etat, selon la doctrine scolastique ; en prenant le risque, dans une deuxième partie, d’examiner un conflits récent à la lumière de cet enseignement.
Considérations sur la guerre et quelques éléments de doctrine chrétienne
La guerre : triste réalité liée à la nature humaine
La guerre trouve sa source dès l’origine de l’humanité dans le meurtre d’Abel par son frère Caïn. Conséquence du péché originel, elle est un désordre lié aux passions humaines.
« Il ne faut pas croire que notre époque ait le privilège de la cruauté et des hécatombes. La guerre antique a été quelque chose d’effroyable. Les blessés étaient abandonnés ou achevés. L’ennemi capturé était immolé ou réduit en esclavage. La population des villes qui avaient résisté était passée au fil de l’épée, femmes et enfants compris. ... De grandes villes comme Carthage, Corinthe, Numance ont été détruites et rayées de la carte beaucoup plus efficacement que Dresde ou Coventry par les grands bombardements de la dernière guerre. Les seules paix qui s’établissaient après une conquête étaient des paix de domination. » 1
L’ancien Testament nous montre le peuple juif sans cesse en guerre : sur ordre de Dieu, contre une partie infidèle du peuple élu; guerres de conquête pour entrer en terre promise ; guerres défensives ; guerres perdues et déportations pour sanctionner les infidélités, jusqu’à la prise et la destruction de Jérusalem par les Romains.
Enracinée dans le réel, l’Eglise ne pouvait prohiber efficacement la guerre ; elle s’est efforcée de la limiter et d’en atténuer les effets. En éclairant et façonnant la conscience des chefs d’Etat, dont Saint Louis sera le plus éminent représentant, elle s’est attachée à humaniser la manière de faire la guerre pour préserver le tissu social formé par le peuple des non combattants, ce dont témoigne le code de la chevalerie. Après plusieurs siècles de guerres limitées qui voyaient, à l’issue d’une bataille ou d’une campagne, l’une ou l’autre province changer de monarque, la Révolution Française a réintroduit la guerre totale, engageant non plus des armées, mais des peuples entiers dans la guerre, jusqu’au paroxysme des guerres modernes.
Alors que tous les hommes aspirent à la paix, sans cesse renaissent les violences et les conflits armés. Les déclarations démagogiques et ronflantes du pacte Briand - Kellog (1928) mettant la guerre hors la loi n’ont pas empêché la deuxième guerre mondiale, pas plus que le préambule de la charte de l’ONU « Nous, Peuple des Nations Unies, résolus à préserver les nations futures du fléau de la guerre » ou le « Plus jamais la guerre » de Paul VI devant l’ONU en 1965 n’ont empêché quelques 20 millions de morts, dont 80% de victimes civiles, dans une bonne cinquantaine de conflits depuis 1945. Et que dire de ceux qui voudraient « toucher les dividendes » d’une paix qu’ils n’ont pas méritée et qui n’est décidément pas au rendez-vous de leur utopie ?
Origine d’un « Droit de la guerre »
Dans la Grèce ancienne, les relations belliqueuses sont situation normale, mais peu à peu, suite aux guerres contre les barbares et à l’émergence d’un sentiment helléniste s’établissent des règles pour le déroulement des combats, puis apparaissent les éléments d’un « droit de la guerre » :
Chez Platon, seules sont normales les guerres entre grecs et barbares ; les guerres entre Cités, fruits d’un manque d’amour envers la Mère Patrie, sont à proscrire ; afin d’en réduire les effets et de faciliter la réconciliation, il est interdit de détruire les maisons.
Chez Aristote, l’état de paix est supérieur à l’état de guerre, et la guerre doit toujours avoir la paix pour objectif. Sont légitimes les guerres défensives et la domination des peuples « qui ne sont pas capables de bien user de leur liberté et qui ont mérité l’esclavage par leur méchanceté ».
Le droit romain connaissait la notion de « bellum justum », plus au sens des formalités juridiques et des rites sacrés à y appliquer que de la légitimité de la cause. Ils prétendaient néanmoins « toujours se battre pour défendre un droit violé ; et toute déclaration de guerre était précédée d’une demande de réparation ou de satisfaction. » 2
Eléments de doctrine chrétienne
Cette doctrine prend appui sur des éléments épurés de droit grec et latin et opère la distinction nécessaire entre la question de la guerre juste, « jus ad bellum » affaire surtout des gouvernements, de la conduite juste dans la guerre « jus in bello » qui est l’affaire de tous, en particulier du soldat, quel que soit son rang.
Avant que ne s’élabore une doctrine catholique sur la guerre, quand l’Eglise sera en mesure d’exercer une influence sur les puissants, la question se ramène plutôt à une question individuelle : Peut-on être soldat et à quelle condition ? St Jean Baptiste répond aux soldats qui l’interrogent « Ne molestez personne, ne dénoncez personne faussement et contentez-vous de votre solde » Notre Seigneur fait l’éloge de la foi du centurion sans lui demander de changer de métier, pas plus que St Pierre ne pose cette condition pour baptiser le centurion Corneille, premier païen converti.
Saint Ambroise (De officiis) justifie la guerre par l’application de la justice : « La force sans la justice est matière d’iniquité » ; « Est pleine de justice la force qui, à la guerre, protège la patrie contre les barbares ».
Saint Augustin (Contra Faustum c74) situe le mal de la guerre non dans le fait de tuer, mais de poursuivre un but injuste « Qu’y a-t-il à blâmer dans la guerre ? Est-ce de faire mourir des hommes qui mourront un jour, afin d’en soumettre qui vivront ensuite en paix ? Faire à la guerre de tels reproches serait le propre d’hommes pusillanimes, non d’hommes religieux. Le désir de nuire, la cruauté dans la vengeance, l’esprit inapaisé et implacable, la brutalité dans la rébellion, la passion de dominer d’autres semblables, voilà ce que l’on blâme dans la guerre ».
Saint Thomas d’Aquin pose trois conditions :
Une cause juste : soit pour se défendre, soit pour punir un coupable, la guerre peut avoir trois objets :
1. repousser un ennemi pour protéger des possessions légitimes. Cela ne légitime pas une guerre défensive pour conserver un bien mal acquis ou la résistance d’un coupable pour se soustraire à la justice.
2. récupérer un bien ; le bien est entendu au sens large et se comprend aussi de l’honneur bafoué.
3. venger une injustice justifie une guerre offensive ; elle est menée au profit des victimes, pour ramener les coupables dans le droit chemin et ne pas se rendre complice du mal et le laisser triompher impunément. Sont exclues les guerres de simple ambition et les conflits destinés à trancher le bon droit des parties ; les combats judiciaires faisant appel au jugement de Dieu sont formellement condamnés.
Le but poursuivi doit être la recherche d’une paix durable qui est selon St Thomas une des fonctions primordiales d’un état. Il faut donc avoir épuisé tous les moyens pacifiques (vocation des diplomates…) et, selon le thomiste espagnol Vitoria, « bien prendre garde que la guerre n’entraîne pas de plus grands maux que ceux qu’elle a pour but d’éviter », ce qui condamne la guerre totale.
L’intention droite de celui qui fait la guerre. Saint Thomas a en vue le salut éternel de l’homme de guerre qui doit combattre sans haine, sans passion, sans cupidité, mais avec justice et charité. C’est pourquoi il doit y avoir une juste proportion entre les moyens et la fin recherchée. La guerre juste doit être un acte de vertus et se faire avec modération, sans faiblesse mais sans excès. Il faut épargner les vaincus, éviter les violences inutiles et respecter la parole donnée, même à l’ennemi, ce qui ne fait pas obstacle, pour une juste cause, à recourir aux ruses et embuscades.
L’autorité légitime de celui qui décide la guerre. L’absence de juridiction supérieure apte à rendre justice donne à un gouvernement la responsabilité d’avoir à décider d’une guerre. C’est la question de la souveraineté. « Il n’appartient pas à un particulier de convoquer la multitude pour combattre. C’est aux Princes qu’il appartient de défendre la cité, le royaume ou la province qui se trouve sous leur autorité. Et de même qu’il leur est licite de la défendre par le glaive contre les perturbateurs selon la parole de Saint Paul (Rm13.4) : ce n’est pas sans raison qu’il porte le glaive ; il est ministre de Dieu pour châtier celui qui agit mal, il leur revient aussi de défendre la chose publique par le glaive contre les ennemis extérieurs. »
Les exceptions à cette règle concernent la légitime défense (résistance spontanée sans droit de vindicte) et les cas d’anarchie ou de défaillance de l’autorité (les guerres féodales ont été tolérées tant que le pouvoir central était faible). Il existe une limite au devoir d’obéissance en cas de guerre manifestement injuste. En cas de doute, le soldat doit obéir en présumant que les décisions sont justes.
Réflexions sur un cas concret
L’application de cette doctrine n’en est pas pour autant aisée, car elle suppose l’exercice de la vertu de prudence qui tient compte des circonstances. La connaissance de la doctrine est nécessaire, elle n’est pas suffisante pour porter des jugements sur tout.
« Cette opération exige une ampleur de vue, une sûreté de jugement et une sagesse pleine de modération, qui ne sont pas à la portée du premier venu, et qui échappe tout spécialement aux protagonistes qui sont bien trop dépourvus du recul nécessaire. Les conflits humains sont en effet si complexes, qu’il est presque impossible de prétendre en démêler les causes, et plus encore d’en prévoir les évolutions. Comment déterminer d’abord qui est dans son bon droit, quand le plus souvent les responsabilités sont étroitement imbriquées et les tords partagés – sans compter cette tendance bien naturelle chez chacun à se donner raison ? comment décider ensuite si ce droit mérite d’être défendu au prix d’une guerre – sans compter encore cette autre tendance, elle aussi bien naturelle, à s’exagérer les chances de succès et à minimiser le coût de la victoire. » 3
C’est donc avec beaucoup d’humilité que les quelques réflexions qui suivent sont proposées. D’autant que la complexité, tant des guerres balkaniques que des nébuleuses terroristes, s’accommode mal de jugements péremptoires. Il n’est pas possible dans le cadre de ce dossier d’en développer tous les attendus, mais il est permis d’en tirer quelques conclusions.
Campagne aérienne de l’OTAN contre la Serbie au printemps 1999
Une orchestration médiatique sans précédent a été mise en œuvre pour « justifier » cette guerre comme en témoigne le discours du Président de la République, au moment où débute l’action militaire :
« L’Europe ne peut accepter d’avoir sur son sol un homme et un régime (on ne fait pas la guerre au peuple serbe) qui, depuis près de dix ans, ont engagé... et maintenant au Kosovo des opérations d’épuration ethnique, d’assassinats et de massacres, ... avec pour conséquence plus de 200 000 morts et des milliers de personnes déplacées. (il s’agit d’arrêter et de punir une injustice) ... Tout a été tenté pour mettre un terme à ces pratiques d’un autre âge... Ce fut le cas, en particulier, en France, lors des réunions de Rambouillet. Devant le refus obstiné du gouvernement serbe et de son président, il a fallu se résoudre à employer la force... Mais la France dans le même temps, veut rechercher une solution diplomatique. Nous y travaillons sans relâche. (définition d’un objectif modéré, exempt d’ambitions territoriales). »
Plusieurs objections s’imposent cependant :
Cette explication passe sous silence l’immense préjudice subi par les Serbes dans l’éclatement de la Yougoslavie par sécession d’états reconnus sans conditions suffisantes par la « communauté internationale ». Elle néglige la véritable « guerre révolutionnaire » menée par les Albanais au Kosovo, soutenus par certains « services » américains, allemands et turcs. On peut considérer que les Serbes avaient un motif de guerre juste (jus ad bellum) pour garantir leurs intérêts vitaux dans les krahinas de Croatie, en Bosnie et au Kosovo, mais les méthodes employés étaient peu compatibles avec le « jus in bello ». Leurs exactions, largement amplifiées par les médias qui ont par ailleurs occulté celles de leurs adversaires, ont ainsi rendu bien difficile de soutenir leur cause comme juste.
Comme les deux massacres sur le marché de Markalé, en février 94 et en août 95, attribués aux Serbes sans véritable examen, ont servi de déclencheur médiatique à chaque décision d’engagement de l’OTAN en Bosnie, il y a tout lieu de penser que le « massacre de Racak » n’est qu’une manipulation destinée à justifier le processus qui mènera aux négociations de Rambouillet et aux frappes aériennes du printemps 99. On crée délibérément une confusion entre la justice de la cause et la sensibilité de l’opinion publique.
Enfin, ces évènements sont à inscrire dans le cadre général de la situation de l’Europe après l’écroulement soviétique. Ne s’agit-il pas pour les Américains de démontrer la nécessité de l’OTAN, outil stratégique de leur influence en Europe, en manifestant l’impuissance des européens à venir à bout d’un problème de sécurité sur leur propre territoire ? Ne s’agit-il pas pour l’Allemagne de ramener la Serbie dans les frontières que Bismarck lui avait attribué au congrès de Berlin en 1878 et d’étendre son influence sur les anciennes provinces austro-hongroises ? Ne s’agit-il pas enfin pour la France, bien isolée dans sa politique tendant à construire une défense européenne, de donner des gages de sa capacité d’intervention en engageant ses moyens aériens à un niveau supérieur à celui des autres Européens ?
Cette intervention de l’OTAN contre la Serbie va donc à l’encontre d’un droit serbe sur le Kosovo historiquement fondé ; droit qui n’est d’ailleurs pas nié, mais bafoué dans la pratique. La cause kosovare est plus un prétexte qu’un but de guerre, prétexte appuyé par des manipulations d’opinion à grande échelle. La campagne aérienne, menée sans déclaration de guerre, après un échec « provoqué » des rencontres de Rambouillet, vise plus le potentiel économique (ponts, centrales électriques, usines) que militaire, en contradiction avec le droit international. Cette campagne aérienne est donc loin d’avoir les caractères d’une juste guerre que la déclaration présidentielle laissait supposer. Pour autant le soldat, le pilote de chasse, le général même, ont-ils les moyens de s’en convaincre ? Dans l’exposé doctrinal, on a vu que l’ordre de l’autorité légitime doit être présumé juste, et dans l’état de surpression médiatique qui a couvert ces opérations, il était bien difficile, au moment où se déroulent ces événements, de s’y reconnaître et de conclure avec suffisamment de certitude pour justifier un refus d’exécution.
Conclusion
L’emploi de la force armée, dans une opération de guerre comme dans une opération de police, suppose l’éclairage de la doctrine et du droit, pour permettre de déterminer et de mesurer l’action à conduire. La question de la guerre juste, on l’a vu, est avant tout de la responsabilité de l’autorité politique, (par autorité politique il faut entendre ceux qui ont part aux décisions ou qui sont en mesure de les inspirer) et le citoyen ordinaire a peu souvent les éléments d’appréciation qui lui permettent de porter un jugement sûr. Le soldat, comme le policier, est plutôt confronté à la question du droit de la guerre, d’une juste conduite dans la guerre comme dans une action de répression ; il doit se garder des excès et réfréner les passions qui naissent de l’usage de la force.
Le Monde recherche la paix comme le bien suprême, une paix qui, loin d’être la tranquillité de l’ordre, serait plutôt la « tranquillité du désordre, la paisible satisfaction des passions ». Mais « la paix sérieuse et solide, la paix digne de ce nom, l’Ecriture ne la nomme presque jamais sans la joindre, soit à la vérité, soit à la justice, soit à la charité, soit à la grâce » 4. La protection ou la recherche de cette paix légitime l’emploi de la force armée par l’Etat, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières, dans la mesure où les actions et moyens sont adaptés et proportionnés à cette fin.

Régis Francolier

1 La guerre et le droit naturel – Amiral Auphan – Permanences.
2 La doctrine de la guerre juste – Guillaume Bacot – Economica.
3 La doctrine politique et sociale du Cardinal Pie – Chanoine Etienne Catta - NEL
4 Iota Unum (Etude des variations de l’Eglise catholique romaine au XXème siècle) – chapitre XXVII – Romano Amerio - NEL

........................................................................................................

La guerre et la conscience du soldat chrétien

Evoquer la conscience du soldat chrétien face à la guerre peut paraître paradoxal quand on sait que l’Evangile promet le Royaume des cieux aux doux et aux pacifiques et que saint Maurice et ses compagnons de la Légion thébaine font partie de ces soldats martyrisés en raison de leur foi.
Et cependant le Christ n’a-t-il pas cité en exemple la Foi du centurion ? Et l’Eglise n’a-t-elle pas prêché les croisades ?
Ce paradoxe mérite qu’on approfondisse le sujet.
S’appuyant sur le bon sens et l’enseignement de l’Eglise, il conviendra d’abord d’étudier les fondements d’une guerre juste, puis de rechercher les conditions de la participation d’un chrétien à un conflit.
Doctrine de la guerre juste
Le droit de se défendre reconnu par le bon sens et l’enseignement de l’Eglise…
Le recours à la force, quoique décrié par une opinion publique plus encline à la facilité qu’à l’effort et plus portée sur le consensus mou que sur l’affirmation de valeurs, le recours à la force donc, et par conséquent à la guerre, peut être dans certains cas tout à fait légitime.
Qui en effet reprocherait à une personne de se défendre si sa vie était menacée ? Et pourquoi ce principe de légitime défense, accepté par le commun des mortels, ne serait-il pas transposable au niveau d’un pays ?
Le bon sens qui était autrefois si bien partagé le dit : il existe des biens qui méritent d’être préservés de toute agression ; et plus ce bien est important, plus est justifié le recours à la force (moyens proportionnés à la fin) pour le protéger. Ainsi quand la raison a épuisé les arguments pour obtenir justice ou préservation d’un bien, il est légitime de parvenir à ce but en recourrant à la force. Cela est vrai au quotidien où l’Etat veille à la paix et à la sécurité du citoyen face au malfaiteur. Il en est de même pour la préservation de biens suprêmes comme la liberté ou l’existence d’une nation face à une agression, la défense de ces biens suprêmes pouvant justifier le recours suprême : la force armée et donc la guerre.
Notons d’ailleurs que ce principe de résistance à l’agression est également défendu par ceux qui se situent très à gauche de l’éventail politique. En effet les mêmes individus qui se plaisent à faire profession de foi d’anti-militarisme et de pacifisme sont également les ardents défenseurs des mouvements dits de « libération » lesquels emploient la lutte armée pour parvenir à leur fin, et même bien souvent le terrorisme.
Ce recours légitime à la force, prôné par le bon sens, a par ailleurs été codifié par l’Eglise catholique dont l’enseignement, formalisé initialement par saint Augustin, n’a pas varié à travers les siècles :
Saint Augustin :
« ainsi guerroyer, dompter les nations, étendre son empire est aux yeux des méchants une félicité, aux yeux des bons une triste nécessité » 1
« nous devons vouloir la paix et ne faire la guerre que par nécessité, afin que Dieu nous délivre de cette nécessité et nous conserve dans la paix Car on ne cherche pas la paix pour exciter la guerre, mais on fait la guerre pour obtenir la paix » 2
Saint Thomas d’Aquin :
« … c’est à eux (les Princes) qu’il appartient de tenir l’épée dans les combats pour défendre l’Etat contre les ennemis extérieurs »
A l’objection du passage de l’Ecriture qui dit que ceux qui « se servent du glaive périront par le glaive… », Saint Thomas réplique : « Ainsi que le dit Saint Augustin : « celui-là prend le glaive qui s’arme contre la vie d’un autre sans en avoir reçu l’ordre ou la permission d’une puissance légitime placée au-dessus de lui ». Mais celui qui combat d’après l’ordre d’un prince ou d’un juge, si c’est un particulier ou par zèle pour la justice et en quelque sorte en vertu de l’autorité de Dieu, si c’est une personne publique, celui-là ne prend pas le glaive, mais fait usage de celui qui lui a été confié, et par conséquent, il ne doit pas être puni. » 3
En effet, dans ce cas comme le dit Saint Paul, le soldat est « le ministre de Dieu pour exécuter sa vengeance contre celui qui fait le mal, ce n’est pas sans juste cause qu’il porte le glaive. » 4
Pie IX :
« Nous ne pouvons nous abstenir de déplorer, entre autres choses, ce funeste et pernicieux principe, dit de « non-intervention », que depuis assez peu de temps, certains gouvernements proclament et mettent en pratique, avec la tolérance des autres, même lorsqu’il s’agit de l’injuste agression d’un gouvernement contre un autre, au point de paraître assurer une espèce d’immunité et de licence, contre toutes les lois divines et humaines…5 »
Saint Pie X :
« …il est admis par la nature que l’on défende son droit par la force et par les armes ; mais ce que la nature ne permet pas, c’est que la force soit la cause efficiente du droit. » 6
Pie XII :
« Une chose est certaine : le précepte de la paix est de droit divin. Sa fin est de protéger les biens de l’humanité en tant que biens du Créateur. Or, parmi ces biens, il en est de telle importance pour la communauté humaine, que leur défense contre une agression injuste est, sans doute, pleinement justifiée. » 7
« La vraie volonté chrétienne de paix est force et non faiblesse ou résignation fatiguée,… Toute guerre d’agression contre ces biens que l’ordonnance divine de la paix oblige sans condition à respecter et à garantir, et donc aussi à respecter et à défendre, est péché, délit et attentat contre la majesté de Dieu, créateur et ordonnateur du monde. Un peuple menacé ou déjà victime d’une injuste agression, s’il veut penser et agir chrétiennement, ne peut demeurer dans une indifférence passive. » 8
Les fondements philosophiques du droit du recours à la force
Le recours justifié à la force découle directement du droit de punir que tout Etat possède. En effet si l’Etat n’avait pas le droit (et les moyens) d’imposer son autorité aux citoyens, y compris – dans les cas extrêmes – par le recours à la force, la société serait livrée à la loi de la jungle, c’est à dire à la loi du plus fort.
L’Etat est donc dépositaire d’une autorité qui lui a été remise par Dieu en vue de maintenir l’ordre et la paix dans la société des hommes.
La peine que l’Etat inflige est juste car elle rétablit un ordre perturbé, mais en plus elle est curative (= médicinale) car elle détourne le coupable d’une nouvelle faute et dissuade les autres d’en commettre de semblables.
C’est ce raisonnement qui, transposé aux relations entre les Etats, justifie le recours à la guerre, dans son principe 9. Cependant, on le comprendra facilement, pour justifié qu’il soit dans son principe, le recours à la guerre doit cependant être sérieusement encadré tant ses conséquences sont graves.
D’où un important travail de réflexion des théologiens pour définir les conditions qui permettent l’usage de la force armée pour la résolution d’un conflit ; c’est la doctrine de la guerre juste que saint Thomas d’Aquin a traité avec une telle clarté (IIa IIae 40 1) que les principes modernes s’inspirent encore très largement de sa pensée.
Les conditions de la guerre juste
Une guerre pour être qualifiée de « juste » doit remplir deux séries de conditions :
Celles qui permettent le recours à la guerre, c’est le droit à la guerre ou jus ad bellum.
Celles qui encadrent la conduite de la guerre, c’est le droit dans la guerre ou jus in bello.
Exerçant son jugement et son autorité dans une matière particulièrement importante, le « Prince » est l’objet de graves obligations morales et il doit respecter scrupuleusement les conditions suivantes :
Droit à la guerre
Autorité légitime (cause efficiente) : une telle décision ne peut émaner d’un particulier (ce serait faire justice soi-même), mais du chef de l’Etat.
Dans le cas où il existerait une autorité supérieure à celle des antagonistes et reconnue légitime 10, le fait de ne pas y avoir eu recours interdit au Prince de se prévaloir d’une guerre juste.
La sentence d’une guerre à engager est d’une telle gravité que le Prince doit s’être entouré au préalable du conseil de personnes sages et compétentes.
Cause juste (cause finale) : il faut que ceux contre qui la guerre va être menée aient mérité d’être combattus, ils doivent donc avoir commis une faute grave.
Est juste une guerre par laquelle on s’efforce de repousser une attaque injuste, a contrario il est injuste se défendre quand on justement attaqué.
Ne sont pas une cause de guerre juste : la différence de religion, l’extension d’un territoire, la gloire du Prince.
Est également juste une guerre entreprise en réparation d’un tort grave comme par exemple la reconquête d’une province injustement annexée par l’adversaire.
La seule et unique cause juste de la guerre est la riposte à la violation du droit, mais à condition que cette violation soit d’importance proportionnée à la gravité des enjeux (raison grave proportionnée aux maux attendus de la guerre).
Intention droite : les raisons qui poussent le Prince à avoir recours à la force doivent être désintéressées : il s’agit de faire le bien et d’éviter le mal. Autrement dit :
faire abstraction de ses sentiments personnels, de considérations étrangères à la justice (comme les avantages qu’on pourrait retirer du conflit),
n’avoir en vue que le bien de son peuple, ne rechercher que la paix,
ne faire la guerre qu’en dernier recours après s’être efforcé d’avoir obtenu satisfaction par d’autres moyens (ne pas avoir refusé de satisfaction ou réparation raisonnable)
Droit dans la guerre
Les conditions du droit à la guerre étant remplies, pour que cette guerre soit juste encore faut-il qu’elle soit conduite selon les principes chrétiens. Ceux-ci découlent de l’intention droite et peuvent se résumer à discrimination et proportionnalité.
Discrimination. Tout doit être fait pour limiter les dommages de la guerre, en particulier en évitant d’y impliquer les civils (populations, mais aussi infrastructures). C’est pourquoi les règles de la guerre stipulent que les combattants doivent pouvoir être facilement identifiés par des marques distinctives (uniformes, brassards, …) et que les combats doivent éviter autant que possible d’attaquer des objectifs qui ne concourent pas à la puissance militaire de l’adversaire.
Proportionnalité. L’usage de la force doit être contenu dans toute la mesure du possible. Les maux de la guerre sont tels qu’il importe de les limiter au maximum. Ainsi un conflit limité ne saurait donner lieu à une montée aux extrêmes d’une des deux parties.
Enfin, le fait de mener une guerre ne dispense pas de la conduire selon les règles de la morale comme par exemple le respect de la parole donnée ou d’un traité signé.
Obéissance et état militaire
Les conditions d’une guerre juste étant établies, il convient maintenant de définir l’attitude du soldat chrétien qui douterait de la justesse d’une guerre à laquelle il serait amené à participer.
Gravité et pleine connaissance
La morale catholique est formelle, personne ne peut agir contre sa conscience . Et ce principe est donc applicable au cas du soldat chrétien, c’est ce qu’enseigne le pape Pie XII : « … la norme morale dans tous les cas : aucune instance supérieure n’est habilitée à commander un acte immoral ; il n’existe aucun droit, aucune obligation, aucune permission d’accomplir un acte en soi immoral, même s’il est commandé, même si le refus d’agir entraîne les pires dommages personnels. » 11
Cependant notons bien que ne pas agir contre sa conscience ne signifie pas pour autant refuser de supporter ce qui apparaît pour soi comme un grave inconvénient, car il peut être demandé de supporter un mal en vue d’un plus grand bien… Si la conscience dicte dans certains cas de supporter un mal, il faut donc se conformer à celle-ci.
Quels sont donc les critères qui vont permettre au soldat chrétien de se déterminer dans le cas de conscience qui se pose à lui ?
Il s’agit de la gravité de la circonstance et de la pleine connaissance, tout en sachant que, le doute jouant en faveur de l’autorité légitime ; il appartiendra donc à ce soldat de prouver que l’une au moins des conditions d’une guerre juste n’est pas remplie.
Gravité de la circonstance
Bien que cette clause doive être maniée avec précaution, il faut d’abord établir que les circonstances sont suffisamment graves pour justifier un éventuel refus de servir les armes.
En effet, tout pays a besoin d’une armée (et d’une police) prête à s’engager sans délai et sans murmure là où le gouvernement estime devoir le faire. Qu’adviendrait-il d’un pays où les forces de l’ordre discuteraient en toute occasion pour établir ou non la légitimité des ordres qu’elles recevraient ? Voit-on des gendarmes ou des policiers refuser habituellement des ordres leur prescrivant de s’opposer à des manifestants sous prétexte que ces derniers expriment de justes revendications. Il en serait fini de l’autorité de l’Etat ! Et c’est une des grandeurs du métier de nos gendarmes et policiers que d’accepter – dans une mesure raisonnable - d’exécuter des ordres qui s’opposeraient à leurs convictions intimes 12.
De la même manière les soldats doivent accepter de s’engager dans des campagnes ou des opérations dont le bien-fondé n’est pas évident 13, au motif qu’une armée est faite pour exécuter la politique d’un gouvernement, sauf s’il y a manifestement un viol grave de la justice.
Pleine connaissance
Face à un choix aussi capital le soldat chrétien ne peut se déterminer que s’il connaît bien les paramètres qui conditionnent son dilemme. Or force est de constater que , même aujourd’hui, le soldat n’a guère l’occasion de connaître intimement la pensée des gouvernants, ni les raisons réelles qui motivent le conflit ; il lui est donc difficile de juger habituellement du bien fondé de la guerre 14.
Mise à part la faiblesse morale de certains, cette clause de pleine connaissance pourrait expliquer pourquoi si peu de soldats s’élèvent contre telle ou telle guerre 15.
Il faut également faire remarquer que la connaissance réelle, exacte et objective, des conditions de déclenchement d’une guerre est en général du seul ressort des quelques officiers très hauts placés dans la hiérarchie militaire et que c’est à leur niveau, beaucoup plus qu’au niveau des exécutants, fussent-ils officiers, que doit être tranché ce dilemme.
Et il n’est pas anormal que les subordonnés s’en remettent à leurs chefs pour apprécier de telles décisions, sauf à douter de la hiérarchie ou à être témoin d’un fait prouvant de façon certaine la fausseté des mobiles ou conditions établissant la justesse d’un conflit 16.
Dans ce jus ad bellum, il apparaît donc que le plus souvent l’immense majorité des soldats (qu’ils soient militaires du rang, sous-officiers ou officiers) n’ont pas une connaissance suffisamment exacte des conditions de ce conflit pour justifier de ne pas y participer.
Sauf à être certain que les conditions de ce conflit sont une négation grave de la justice et donc une offense à la loi naturelle et divine, le soldat est amené à faire confiance à ses chefs ; le doute profite à l’autorité légitime.
C’est cette position que rappelle saint Augustin :
« Un homme juste, si par hasard il lui arrive de faire la guerre même sous un roi sacrilège, peut, sans manquer à la justice, combattre, contrevenant à la paix pour maintenir l’ordre, s’il est certain que ce qui lui est ordonné n’est pas contraire à la loi de Dieu ou du moins s’il n’est pas certain que cela lui soit contraire. » 17
Et saint thomas d’Aquin ne dit pas autre chose : « Le serviteur du juge qui condamne un innocent ne doit pas obéir si la sentence est évidemment erronée ; autrement on excuserait les bourreaux qui ont mis à mort les martyrs. Mais quand l’arrêt n’est pas d’une injustice évidente, l’exécuteur ne pêche pas parce que ce n’est pas à lui de discuter la sentence du juge. Ce n’est pas lui qui tue l’innocent, mais c’est le juge dont il exécute les ordres. » 18
L’expérience prouve cependant que si les conditions du droit à la guerre échappent le plus souvent aux soldats, en revanche ceux-ci sont mieux placés pour apprécier les conditions dans lesquelles cette guerre est conduite. En effet, en tant qu’acteurs sur le terrain (ou dans les états-majors), ils peuvent exercer leur jugement sur certaines dispositions qui, si elles sont appliquées, rendraient immédiatement illicite le jus in bello.
Tel serait le cas par exemple de soldats qui recevraient des ordres manifestement illicites comme de s’en prendre à la population civile, exercer des représailles aveugles, exécuter des prisonniers, bombarder des populations inoffensives, etc.
Dans un tel cas, même si le soldat est dans les conditions d’une guerre juste, il ne peut prêter son concours à des actes manifestement immoraux. Alors que le doute profitait à l’autorité dans le cas du jus ad bellum, ici il n’y a plus de doute puisque le soldat est le témoin ou l’auteur d’actes qui sont gravement répréhensibles en toutes circonstances.
Ne pouvant aller contre sa conscience dans une circonstance aussi grave, le soldat est alors amené à refuser l’exécution de tels ordres, quand bien même il lui en coûtera de cette décision qui aux yeux de ses chefs paraîtra sans doute comme une désobéissance.
Mais comme le dit l’Evangéliste : « Il faut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes » (Act. V, 29).
Eclairés par les théologiens et les docteurs de l’Eglise, nous venons de voir les principes qui doivent régler l’attitude du soldat face la guerre, dans le déclenchement comme dans la conduite de celle-ci.
Ces principes sont clairs, ils ont été largement commentés par de nombreux auteurs et mis en application à de multiples occasions, dès les premiers temps de l’Eglise avec saint Maurice et jusqu’à une époque récente : guerre d’Algérie par exemple.
Est-ce à dire que tout soldat a sa voie tracée et que les choix s’imposent à lui ?
Bien évidemment non, car si les règles qui doivent guider son attitude sont bien définies, leur application à chaque cas qui se présente est une affaire de jugement personnel et, même éclairé des grâces du Saint Esprit, chaque soldat peut avoir une appréciation différente du problème auquel il est confronté.
Ainsi, de grands chrétiens ont-ils pris des positions divergentes pendant la seconde guerre mondiale, comme d’autres ont fait des choix différents lors du drame algérien.
A cette richesse du baptisé qui décide lui-même l’usage qu’il fait de sa liberté s’ajoute le poids de ses décisions pour le soldat, car par l’usage des armes il détient le droit de vie et de mort pour lui comme pour ses adversaires.
C’est ce qui fait la noblesse et la grandeur du « métiers des armes ».

Jean Marc Leharnais

1 De Civ. Dei L. IV, cap 15
2 Epist. 205, ad Bonifacium
3 Somme II, II, XL, 1
4 Epître aux Romains, XIII, 4
5 Allocution au Consistoire, 28 septembre 1860
6 Allocutions aux cardinaux, 11 février 1889.
7 Pie XII Radio-message au monde, 24 décembre 1948.
8 ibid
9 « Parce qu’il n’est permis de tuer un homme qu’en vertu de l’autorité publique et pour le bien commun, il est illicite de vouloir tuer un homme pour se défendre, à moins d’être investi soi-même de l’autorité publique. On pourra alors avoir directement l’intention de tuer pour assurer sa propre défense, mais en rapportant cette action au bien public ; c’est évident pour le soldat qui combat contre les ennemis de la patrie et les agents de la justice qui luttent contre les bandits. » Saint Thomas d’Aquin in II IIae q.64, a.7
10 En raison de ses orientations maçonniques et mondialistes, l’Organisation des Nations Unies ne détient pas aujourd’hui ce caractère légitime.
11 Allocution au Congrès international de droit pénal, 3 octobre1953.
12 Cette abnégation a cependant ses limites et il peut arriver que la désobéissance à des ordres iniques devienne un devoir, cas des inventaires au début du XXème siècle en France. Et, très exceptionnellement, cette désobéissance peut aller jusqu’au retournement de la force publique contre un gouvernement se détournant du bien commun de façon manifeste et avec pertinacité, ce fut le cas des soulèvement de l’armée en Espagne contre un gouvernement révolutionnaire ou au Chili contre la dictature du Président Allende.

13 Ce pourrait être le cas des interventions en Afrique où la justesse des choix des gouvernements français n’apparaît pas toujours clairement. Fallait-il par exemple engager l’armée française contre les mercenaires de Bob Denard aux Comores ? Rester l’arme au pied quand les chrétiens (et les animistes) du sud du Tchad étaient poursuivis par les forces régulières de N’Djamena ?
14 « Les sujets inférieurs qui ne sont pas admis, ni écoutés dans les conseils du Prince ou de l’Etat ne sont pas tenus d’étudier les causes de la guerre, mais il leur est permis de combattre en faisant confiance à leurs supérieurs » de Victoria De jure belli, 25

15 Ainsi le général de Sonis, figure exemplaire de chef chrétien, était volontaire pour la campagne de Crimée et il a participé à la guerre d’Italie de 1859 contre l’empire austro-hongrois : autant de conflits qui, avec le recul de l’histoire, apparaissent aujourd’hui comme contraires, à l’époque, aux intérêts de la catholicité.
16 Les officiers, et même de façon plus générale la troupe, ont pu se trouver dans cette situation en Algérie dans les années soixante quand les ordres qu’ils recevaient du gouvernement et de certains de leurs chefs allaient manifestement à l’encontre des buts de leur action civilisatrice et des engagements de la France auprès de ces populations.

17 Contra faustum, XXII, 75
18 Saint Thomas d’Aquin in II IIae q.64, a.6
Revenir en haut de page
Calvinius

Administrateur


Inscrit le: 14 Mar 2004
Messages: 377
Localisation: Nîmes

MessagePosté le: Lun Mar 27, 2006 23:00    Sujet du message: Répondre en citant

Merci Pierre pour votre contribution. Si vous avez d'autres articles sur le sujet n'hésitez pas à les ajouter, au moins les liens.
Evidemment le sujet est complexe. Il n'est pas facile d'élaborer une Doctrine qui puisse avoir réponse à tout. Néanmoins je demeure persuadé que la Bible permet de répondre de façon spécifiquement chrétienne à cet épineux problème, en tenant compte de la réalité du mal et du péché dans le monde, de la distinction des pouvoirs - spirituel, temporel -, de l'affirmation de l'Apôtre Paul : "Tout pouvoir vient de Dieu" et : "Ce n'est pas en vain que le magistrat porte l'épée pour punir le malfaiteur..." (Rm 13) - l'Etat, par le biais de son armée et de la police, de ses magistrats, tient dans sa main le glaive temporel pour assurer la protection du citoyen contre toute forme d'agression illégitime, dès lors qu'il s'agit de légitime défense -, etc.

Sur la question du pacifisme je vous livre une citation fort à propos :

"Dans certaines circonstances, le refus systématique d’un minimum de violence mène en droite ligne au règne de la violence absolue. Celui qui ne sait pas faire la part du feu risque d’être dévoré tout entier par l’incendie. Un seul exemple : vers 1934, quand Hitler a montré non seulement le bout de l’oreille mais l’oreille tout entière, c’est-à-dire quand il a réoccupé la Rhénanie, fallait-il intervenir ? Il y avait là un casus belli évident : la violation du Traité de Versailles. L’intervention se serait bornée à un simple raid policier, car Hitler n’avait pas encore d’armée. Fallait-il écraser dans l’oeuf la barbarie hitlérienne ? Rétrospectivement, la réponse est d’une clarté aveuglante, seulement, ces évidences ne servent plus à rien car, comme disait l’autre : "l’histoire ne repasse pas les plats"... Quand on a fait une bêtise, elle est inscrite pour toujours. Je me souviens d’avoir soutenu cette idée vers 1935, dans un groupe de démocrates-chrétiens pacifistes. Je leur disais : la guerre préventive me semble s’imposer, attendu qu’Hitler a annoncé la couleur. Il n’y a qu’à lire Mein Kampf. J’ai suscité les protestations les plus injurieuses. Et puis, il est arrivé ce qui est arrivé... Et je me souviens encore de Simone Weil, qui fut une grande âme, un grand esprit et qui, à cette époque, inclinait vers la paix à tout prix et qui, en 1941, me disait : et Dieu sait si elle était non-violente, si elle admirait Gandhi : "Je n’expierai jamais assez la criminelle erreur du pacifisme" ".
Gustave Thibon, Congrès de Lausanne, 1972.
_________________
" Il n'est pas de domaine de la vie des hommes dont le Christ ne puisse dire : "c'est à moi"" (Abraham Kuyper)
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Envoyer un e-mail Visiter le site web de l'utilisateur MSN Messenger
Augustinus

Consacré !


Inscrit le: 30 Juin 2004
Messages: 1298
Localisation: Patriarcat Virtuel

MessagePosté le: Mar Mar 28, 2006 12:27    Sujet du message: Répondre en citant

Difficile en effet de définir théoriquement avec exactistude ce qu'est une "guerre juste" --bien que je suis persuadé qu'il en existe.
Notons qu'outre ses protagonistes, une guerre a au moins trois aspects:
sa cause;
la manière dont on la mène;
ses conséquences.
Une guerre est-elle juste quand elle a de bonnes raisons d'être, quand elle est bien menée et qu'elle a d'haureuses conséquences à la fois? ou un seul de ces critères est-il suffisant, et dans ce cas, lequel? Rolling Eyes
Certes, on serait alors tenté de dire que le plus important est la cause;
mais ce serait oublier qu'une guerre peut être juste, bonne et utile (d'un point de vue objectif) quand bien même ceux qui la livrent le feraient pour de mauvaises raisons(!)

...En tous cas, pour le pacifisme, je répugne moi aussi à être appellé "pacifiste;
non seulement parce que l'on ne peut pas être toujours et invariablement pour "la paix" --avant même de connaître le problème(!)--, mais encore --et surtout-- à cause de l'attitude criminellement utopique qui caractérise --au moins en général-- les adeptes de cette "école"...
"Pacifique" est un terme qui me convient mieux, car on peut aimer la paix, y aspirer, sans être un partisan chevronné de "la paix" avec n'importe qui, n'importe quand, pour n'importe quoi (et à n'importe quel prix).

Quand à l'argument "chrétien" du pacifisme (Matthieu 5.39), force est de constater combien il est piètre et intenable.
Car sauf si l'on veut dire que l'Ecriture se contredit (ce que certains n'ont ni honte de penser, ni honte de dire!) l'opposition entre ledit passage et Romains 13.4 manifeste bien la différence qu'il existe entre la personne privée, ou physique, et la personne morale "qui seule possède le monopole de la violence" et qui est l'Etat.

...Cela dit, une question se soulève ici aussi: quel Etat est légitime?
St Augustin, dans la cité de Dieu, dit que sans la justice, les royaumes ne sont pas autre chose que des groupes de brigands (Livre IV, § IV)...
_________________
Chantez à l'Eternel, vous qui l'aimez,
Célébrez par vos louanges Sa Sainteté!
Car sa colère dure un instant,
mais sa grâce toute la vie;
le soir arrivent les pleurs,
et le matin l'allégresse.

Psaume XXX.5-6
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Envoyer un e-mail
Pierre

Invité





MessagePosté le: Mar Mar 28, 2006 19:09    Sujet du message: Répondre en citant

C'est un sujet qui m'a toujours intéressé. Mes parents et grands-parents ont été des militaires de carrière et qui ont fait la Grande Guerre, la deuxième mondiale, les conflits armés du Vietnam et de l’Algérie. Mes parents sont de confessions évangéliques d’origine catholique.
Je vous laisse encore un argumentaire et un entretien sur ce sujet.

Argumentaire

Idées reçues sur la guerre

Six questions/questions sur la guerre. Extrait du Permanences n°401.

Le fait de tuer d’autres hommes ne règle aucun conflit, la guerre est un mal absolu.

La guerre est certainement un des pires maux qui frappent la communauté humaine. Elle l’oppose et la divise à l’encontre de l’harmonie source de paix mondiale. Un des pires maux aussi parce qu’elle touche directement les populations civiles qui sont souvent des victimes prises en otage.
Mais on ne peut pas dire pour autant qu’elle soit un mal absolu. Elle peut être un moindre mal, un mal nécessaire. La politique est bien souvent l’art du meilleur possible qui n’est pas le bien idéal. Raison pour laquelle la politique exige du réalisme et non de l’idéalisme. Celui-ci est pourtant tentant, notamment pour les chrétiens qui aspirent au bien et qui, au nom de celui-ci, peuvent oublier la nécessaire incarnation et le devoir de prudence qui en découle.
Entre l’idéalisme - comme celui de Kant et de son projet de paix perpétuelle - et la real politik, froide, cynique et prête à tout au nom de la raison d’Etat, existe une troisième voie, celle du réalisme qui tend au bien sans rien oublier de la complexité du réel.
C’est cette troisième voie que défend l’Eglise, celle de la recherche de la paix et de la possible nécessité de la guerre dont elle a défini les critères précis pour qu’elle soit la plus juste possible.
En résumé, nous pouvons observer que l’Eglise intervient à quatre niveaux différents
elle recherche la paix.
elle s’investit directement à travers sa diplomatie pour la préserver coûte que coûte.
elle définit les critères de la juste guerre.
elle fixe la conduite de la guerre pour qu’elle soit malgré tout la moins injuste et la moins inhumaine possible.


Le Christ a affirmé que celui qui se servirait de l’épée périrait par l’épée ; le chrétien ne peut être que pacifiste.

Il faut distinguer le refus de la guerre et la recherche de la paix. Loin du pacifisme qui fait du refus de la guerre un principe, le chrétien doit faire de la recherche de la vraie paix l’objectif primordial de son action dans la cité. Et la guerre peut être un moyen d’y parvenir. L’histoire nous montre qu’au cours des siècles l’Eglise na pas interdit la guerre, mais qu’elle s’est toujours efforcée de la juger notamment en fonction des finalités poursuivies. Elle l’a par contre toujours considérée comme le dernier recours et s’est attachée à en moraliser les moyens afin d’en limiter les effets désastreux qu’elle comporte en elle-même.
Le chrétien est pacifique et non pacifiste. Il ne pose pas la paix comme un préalable auquel tout doit être sacrifié mais comme une finalité à atteindre.

Il faut désarmer l’ensemble des Etats pour éviter les guerres.

C’est l’un des grands arguments pacifistes. Comme s’il avait fallu attendre l’apparition des armes pour qu’il y existe des guerres : dans les temps reculés, il suffisait de pierres pour mener une guerre et la brûlante actualité en témoigne (le terme "Intifada" signifiant "guerre des pierres"). Dans un monde instable du fait du péché originel, les armes permettent de garantir la protection des communautés. Ceci étant dit, il est évident que la course aux armements n’est pas gage d’apaisement des relations entre les Etats. Le monde n’a aucun intérêt à posséder des armes de plus en plus destructrices. En ce domaine comme en beaucoup d’autres, tout est affaire de prudence. Face à des nations hostiles et animées par des idéologies mortifères, il peut être du devoir des hommes d’Etat de s’armer pour garantir un minimum de stabilité. Mais nous sommes là dans le domaine de la prudence, de la contingence, et non dans l’ordre des principes. Et nous comprenons alors mieux la raison pour laquelle l’Eglise insiste pour que le désarmement soit bilatéral sous-entendant ainsi que si l’un des deux camps ne le met pas en pratique, il est du devoir des responsables de l’autre camp d’y mettre un terme sans qu’il n’y ait rien d’immoral. Réalisme oblige, le désarmement est soumis à un critère de réciprocité.
La seule guerre juste est une guerre défensive.
La tentation est grande de considérer la guerre défensive comme la seule guerre juste. Sans doute est-ce parce qu’elle est la plus simple à comprendre. Car sa logique peut se rapprocher d’une certaine manière du concept de légitime défense...
En s’émancipant de la notion de bien commun, pour ne retenir que celle d’intérêt général ou plus précisément celle d’ "intérêt vitaux", on a éclipsé le sens du juste et de l’injuste et fait de la seule "légitime défense" du territoire, un absolu. En découle une nouvelle et incomplète conception de la guerre d’où dérivent les assimilations : guerre juste et guerre défensive, guerre injuste et guerre offensive. Pareil assimilation ne permet plus de comprendre, par exemple, des interventions telles que les Croisades, pourtant parfaitement justes. Certes une situation injuste constitue une menace vis-à-vis du bien commun et donc engendre la nécessité d’une défense ; or, devant un agresseur dont la déloyauté est certaine, on peut être amené légitimement à ouvrir le premier les hostilités, à attaquer, sans être pour autant l’agresseur.

Depuis la disparition de l’URSS, il manque une contre-puissance face à l’impérialisme américain.

Ce n’est pas par un équilibre des puissances que le monde sera plus stable. Le propre de l’équilibre, c’est qu’il est, au contraire, très instable. C’est plutôt à une harmonie internationale que les nations doivent travailler.
L’harmonie, c’est la complémentarité fruit d’une saine diversité tandis que l’équilibre repose sur une opposition directe ou indirecte, visible ou insidieuse, ainsi que l’iilustrent parfaitement les trente ans de "Guerre froide" qui ont suivi la seconde guerre mondiale.
Notons que c’est au nom de cet équilibre des puissances que s’est développée la course aux armements. Souhaitons-nous que la France retrouve sa place parce qu’elle est éducatrice des peuples et qu’elle peut apporter beaucoup au monde ou seulement pour satisfaire nos petits intérêts franco-français ? Souhaitons-nous qu’elle devienne une puissance pour la puissance ou qu’elle soit un gage de développement harmonieux des nations ?

Seul un gouvernement mondial serait en mesure d’empêcher les guerres entre Etats rivaux.

La nature humaine étant imparfaite, tout projet de "paix perpétuelle" est une vue de l’esprit. La paix n’existe pas en soi ; elle ne s’impose pas par elle-même ; elle ne se décrète pas. Celle imposée par la présence de casques-bleus est toute relative... c’est celle du statu quo. En effet la paix n’est pas l’absence de guerre mais la conséquence du respect de l’ordre naturel des choses. Elle ne peut exister que dans le cadre d’une politique respectueuse de la nature humaine.
En conséquence, croire qu’il suffirait de faire disparaître les nations et d’instaurer un gouvernement mondial est une utopie. L’existence d’un tel gouvernement ne résoudrait pas les conflits qui parsèment notre planète à moins d’uniformiser les hommes pour les priver de leurs légitimes amours particulières.
Par contre, il est certain que des institutions internationales qui seraient plus particulièrement chargées d’éviter les conflits entre les nations sont indispensables. Si les instances internationales actuelles se confondent, pour l’essentiel, avec le mondialisme, ce n’est pas pour autant qu’il faille les rejeter en bloc.
En cette matière, le maître-mot doit être la subsidiarité qui préserve les compétences et les responsabilités des uns et des autres, des nations comme des provinces, des Etats comme des organisations interétatiques.
Seule cette subsidiarité garantira que ces institutions internationales ne profitent pas de leur force pour imposer une gouvernance mondiale. Qu’elles se contentent de préserver la paix et nous nous chargerons d’être heureux.

________________________________________
Sur le pacifisme
"Dans certaines circonstances, le refus systématique d’un minimum de violence mène en droite ligne au règne de la violence absolue. Celui qui ne sait pas faire la part du feu risque d’être dévoré tout entier par l’incendie. Un seul exemple : vers 1934, quand Hitler a montré non seulement le bout de l’oreille mais l’oreille tout entière, c’est-à-dire quand il a réoccupé la Rhénanie, fallait-il intervenir ? Il y avait là un casus belli évident : la violation du Traité de Versailles. L’intervention se serait bornée à un simple raid policier, car Hitler n’avait pas encore d’armée. Fallait-il écraser dans l’oeuf la barbarie hitlérienne ? Rétrospectivement, la réponse est d’une clarté aveuglante, seulement, ces évidences ne servent plus à rien car, comme disait l’autre : "l’histoire ne repasse pas les plats"... Quand on a fait une bêtise, elle est inscrite pour toujours. Je me souviens d’avoir soutenu cette idée vers 1935, dans un groupe de démocrates-chrétiens pacifistes. Je leur disais : la guerre préventive me semble s’imposer, attendu qu’Hitler a annoncé la couleur. Il n’y a qu’à lire Mein Kampf. J’ai suscité les protestations les plus injurieuses. Et puis, il est arrivé ce qui est arrivé... Et je me souviens encore de Simone Weil, qui fut une grande âme, un grand esprit et qui, à cette époque, inclinait vers la paix à tout prix et qui, en 1941, me disait : et Dieu sait si elle était non-violente, si elle admirait Gandhi : "Je n’expierai jamais assez la criminelle erreur du pacifisme" ".
Gustave Thibon, Congrès de Lausanne, 1972.

........................................................................................................

Entretien

La guerre, un mal nécessaire

Né en 1922, dans l’immédiate après-guerre, résistant déporté à Buchenwald et Langestein, officier en Indochine et en Algérie où il prit part à la révolte militaire d’avril 61, Hélie de Saint Marc est un témoin du XXe siècle. S’il fut aux "avant-postes" de l’Histoire, comme il le dit lui-même, il se refuse pourtant à délivrer un message simpliste. Celui qui chercherait chez lui des certitudes idéologiques serait inévitablement déçu. Conscient de la complexité du réel, il est tout sauf l’homme d’un système. Extrait du Permanences n°401.

Quel regard l’homme et le combattant que vous êtes porte-t-il sur la guerre ?

C’est une activité que j’ai pratiquée depuis mon entrée dans la résistance en 1941 jusqu’à la fin de la guerre d’Algérie en 1961. Je l’ai pratiquée mais je ne peux pas dire que je l’aime. Il n’y a pas de guerre fraîche et joyeuse. C’est une tragédie où l’on tue pour ne pas être tué. C’est un mal pour ceux qui la font et c’est un mal, encore pire, pour ceux qui la subissent. Mais elle est parfois nécessaire.
Vous savez, je crois que l’homme est quelque chose qui vaut la peine d’être dépassé et le dépassement suprême, c’est de risquer sa vie pour quelque chose que l’on croit supérieur à soi-même. C’est là que l’on trouve le mystère de la guerre ainsi que la grandeur et la noblesse de ces hommes, qui font de leur mort au combat l’accomplissement de toute une existence.
Comme beaucoup d’épreuves, la guerre constitue une grande heure de vérité car elle révèle l’homme. Notre monde est celui du paraître. En temps normal, chacun fait son petit cinéma pour paraître différent de ce qu’il est au plus profond de lui-même. Chacun porte un masque. à la guerre, à l’heure du courage et de la peur, ce masque tombe et c’est l’homme tout nu qui apparaît avec ses misères, quelquefois sa lâcheté et sa cruauté mais aussi, parfois, avec son courage et son héroïsme.

Vous faites souvent référence à Dieu, à votre espérance et à vos doutes. Le fait d’être chrétien joue-t-il un rôle dans votre vision de la guerre ?

Certainement. Le christianisme n’est pas une religion de violence mais une religion d’amour. Je crois que le chrétien, quand il se fait soldat, vit un peu une déchirure. Il professe une religion de paix mais il est obligé de se préparer à l’affrontement qui, obligatoirement, aboutira à la mort de ses adversaires. Il y a là, je crois, une forme de contradiction qui doit être surmontée comme toutes celles de la vie.

L’exercice du métier des armes peut-il rapprocher de Dieu ?

Je pense. Parce que le soldat vit en permanence aux côtés de la mort qui demeure la question centrale de la vie sans que l’on sache très bien, d’ailleurs, où cela nous mène. Un jour ou l’autre, nous serons tous amenés à abattre la dernière carte. Mais ce qui n’est pas forcément présent en permanence dans la vie de chacun - heureusement peut-être - l’est chez le soldat. Cette familiarité avec la mort l’amène à se poser les questions essentielles : d’où venons-nous ? Que faisons-nous sur cette étrange planète ? Où allons-nous ?

Aux côtés des soldats, les aumôniers jouent donc un rôle fondamental...

Oui, ne serait-ce que par leur présence. Je crois que la vertu de présence est très importante en particulier dans l’exercice du commandement. J’ai connu des chefs exceptionnels qui galvanisaient leurs hommes uniquement par leur présence. Celle d’un homme, dépositaire d’une religion de paix au milieu d’un monde où s’exerce la violence est donc capitale. Gage d’humanisation de la guerre, elle porte ceux qui la font à réfréner leur violence.

Vous évoquez l’art du commandement. Comment galvaniser des troupes sans pour autant les pousser à des comportements inhumains ?

L’exercice du commandement demande d’abord de surmonter une contradiction terrible. Pour bien commander des hommes, il faut les connaître, les comprendre et surtout les aimer. Mais, contradiction fondamentale, le chef les mène au combat et, parfois, à la mort. De plus, et c’est une des grandes difficultés, il leur demande de développer les forces les plus violentes pour vaincre mais, dès que le combat est fini, il doit les retenir pour éviter que ce déchaînement de violence ne devienne inhumain.

En Indochine et en Algérie, vous avez été confronté à la guerre révolutionnaire. Comment combattre un adversaire sans utiliser ses méthodes ?

En Indochine, nous nous battions contre des Vietnamiens, fort courageux d’ailleurs, qui étaient animés par l’idéologie communiste et nous nous battions avec des Vietnamiens dont beaucoup voulaient l’indépendance de leur pays mais qui voulaient la bâtir avec la France. Ce qui faisait dire au général de Lattre que jamais l’armée n’avait mené un combat aussi désintéressé. En Algérie, nous combattions sur une partie du sol français et je n’aurai pas la cruauté de vous citer les hommes politiques qui nous disaient que nous étions là pour préserver l’intégrité du territoire français.
Ces deux guerres ont un caractère commun, en ce que la mission n’était pas la conquête du terrain mais la conquête des populations qui basculaient soit du côté de nos adversaires, soit de nôtre côté. Dans un tel contexte, la tentation est toujours grande de les manipuler ou de les intoxiquer. Lorsqu’on est sûr de son bon droit, il faut expliquer le bien-fondé de son combat à la population que l’on veut convaincre. Mais je ne pense pas que cela incombe à l’armée. Ses missions sont des missions de combat qui ne doivent être, ni de près ni de loin, des missions de police et encore moins d’ordre psychologique.

Au cours de l’Histoire, la guerre a changé de visage...

Comme pour beaucoup de choses, il y a une part d’éternité et une part de changement. Certaines choses demeurent au cœur même de la guerre, notamment l’affrontement des hommes entre eux. C’est le côté permanent de la guerre et ce depuis le début des temps, même si elle tend à s’estomper dans la guerre moderne où la technique l’emporte sur le courage du soldat.

Dans votre dernier livre, vous affirmez justement qu’à partir du moment où le soldat ne frôle plus la mort, qu’il la sème en appuyant sur un bouton, il perd son titre de soldat et devient un exécutant...

Je crois que la grandeur d’un homme qui emploie des moyens terribles en vue de tuer, c’est de risquer lui-même la mort. Bien entendu, tout commandement digne de ce nom cherche légitimement à limiter les pertes de ses propres troupes et je sais aussi que si je peux discuter, aujourd’hui, avec vous, c’est parce que j’ai été sauvé d’une mort certaine en 1945 grâce aux bombardements aveugles des alliés sur les villes allemandes, comme Dresde ou Hambourg qui, en tuant des centaines de milliers de civils, parmi lesquels des femmes et des enfants, ont abrégé la guerre. Ceci étant dit, aujourd’hui, la noblesse du métier des armes s’estompe lorsque la suprématie technique devient presque absolue.

La belle vocation de soldat est-elle, malgré tout, toujours d’actualité ?

Oui, car je crois qu’une communauté ne peut vivre sans qu’il y ait des hommes qui acceptent de sacrifier leur vie à sa défense. Ensuite, parce que les guerres modernes, même les plus technologiques, ne peuvent échapper totalement aux risques de la guerre classique : guérilla, terrorisme, guerre dans la foule, dans la jungle ou dans les forêts qui remettent à l’honneur les vertus personnelles du combattant... Je pense que la noblesse du soldat, qui semble un peu estompée au profit des ingénieurs presse-bouton, renaîtra, demain, sous des formes nouvelles.

Dans votre livre, vous expliquez que, si la guerre était un phénomène assez facile à cerner, les choses sont plus complexes aujourd’hui. Vous évoquez notamment les pressions migratoires...

Je suis comme tout le monde. Je constate que nous vivons une période où les déséquilibres démographiques entre le Nord et le Sud sont tels qu’ils nous amèneront à faire face à des problèmes porteurs de violences incroyables, qui seront ceux de votre génération, et dont je n’ai malheureusement pas la clef. Je ne suis qu’un modeste soldat...
Je reste persuadé que le passé éclaire le présent, qui tient lui-même entre ses mains l’essentiel de l’avenir dans la suite des temps et la succession des hommes, car il n’y a pas d’acte ni de destin isolés. Tout se tient, il faut croire à la force du passé, au poids des morts et à la mémoire des hommes. Mais je crois que les anciens ne doivent pas dérouler, devant les plus jeunes, dont vous faites partie, un tapis de certitudes sur lesquelles ils avanceraient le cœur léger et le sourire aux lèvres. Ce que nous pouvons apporter, c’est notre part de vérité. Mais à chaque génération suffit sa peine.

Un dernier mot, que diriez-vous à un jeune d’aujourd’hui ?

Avant tout, mes hésitations à répondre, en lui disant ce que je viens d’expliquer, que ce n’est pas notre rôle d’apporter des certitudes. Nous sommes là pour lui donner des éléments à partir desquels tout homme doit trouver son chemin. Il ne faut pas s’installer dans sa vérité, ni la sceller comme une certitude mais l’offrir, avec humilité, comme un mystère. Je lui dirais que nous vivons une période très difficile où les bases de la morale tendent à être remises en cause dans tous les domaines, ne serait-ce que dans celui de la vie. Nous vivons une période difficile où le matérialisme, le profit à n’importe quel prix, l’égoïsme et l’individualisme forcenés l’emportent sur les forces de l’esprit ; où il est toujours question de droit, rarement de devoir et où la responsabilité qui est au centre de tout destin humain tend à être occultée.
Mais je dirais à mon jeune interlocuteur qu’il faut croire à la grandeur de l’aventure humaine, que tout homme et toute femme est une exception et doit être respecté. Je lui dirais qu’il faut essayer, tant bien que mal, de rouler son rocher jusqu’à sa dernière heure. Je lui dirais que rien n’est facile, rien n’est gratuit, que tout se conquiert, que tout se mérite et surtout que si rien n’est sacrifié, rien n’est obtenu. Je lui dirais que, comme j’espère le croire, la vie est un don de Dieu et qu’au-delà de tout ce qui peut apparaître comme l’absurdité du monde, les plus hautes valeurs sont spirituelles. Je lui dirais qu’au-delà des difficultés, des doutes, des épreuves, il faut savoir découvrir cette noblesse, cette générosité, cette miraculeuse et mystérieuse beauté, éparses à travers le monde. Je lui dirais qu’il faut savoir reconnaître ces étoiles qui nous guident lorsque nous sommes plongés au plus profond de la nuit et savoir découvrir le tremblement sacré des choses invisibles. Je lui dirais enfin que, de toutes les vertus, celle qui me paraît la plus importante car elle est nécessaire à l’exercice des autres vertus, c’est celle du courage moral, intellectuel et physique qui permet de rester fidèle à nos rêves de jeunesse.
Revenir en haut de page
Ours Martin

Modérateur


Inscrit le: 16 Sep 2005
Messages: 289
Localisation: Paris

MessagePosté le: Jeu Mar 30, 2006 12:18    Sujet du message: guerre juste Répondre en citant

L'idée de "guerre juste" semble être encore admise par les chrétiens traditionnels, qu'ils soient d'obédience protestante ou romaine. Peut-être y a t'il dans certains milieux cathos français une fascination pour la figure de l'officier et la chrétienté en armes, dont l'interview de l'ex-colonel De Saint-Marc passé à l'OAS témoigne.
Ceci étant dit, même en admettant des critères identiques de la "guerre juste", les opinions peuvent diverger. C'est ainsi que j'ai soutenu et que je soutiens encore que libérer l'Irak était légitime (et, que dans le contexte post-9/11, la France aurait dû être aux côtés de ses alliés)...Disons que peu nombreux sont les chrétiens français qui m'ont suivi. c'est que l'appréciation des critères de guerre juste dépend aussi de celle d'une situation géo-stratégique donnée. La politique a un rôle, soyons lucides!!
Les braves brebis "pacifistes" de la FPF qui demandaient le désarmement unilatéral de l'Ouest lors de la Guerre Froide le faisaient aussi (et surtout) en rasion du poids du marxisme dans leur vision des choses.

Enfin, un dernier point, savez-vous que durant des siècles, l'église orthodoxe a excommunié les combattants qui luttaient contre les hordes musulmanes? J'ai découvert cela lors de mes cours de Byzantine. Etrange pensée, non? L'Ouest,jusqu'à une date récente a eu bien moins de complexes.

Thomas
fils de combattant d'Indo et d'Algérie
petit-fils de résistant
arrière-petit-fils de combattant de 14-18
_________________
L'Ecriture sainte toute entière, du début jusqu'à la fin, indique et montre uniquement le Christ.
Luther.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Augustinus

Consacré !


Inscrit le: 30 Juin 2004
Messages: 1298
Localisation: Patriarcat Virtuel

MessagePosté le: Jeu Mar 30, 2006 12:27    Sujet du message: guerre Répondre en citant

Et bien moi, Thomas, je suis d'accord avec toi au sujet de l'Irak!

Ah, c'était donc toi!! Laughing Laughing Wink
_________________
Chantez à l'Eternel, vous qui l'aimez,
Célébrez par vos louanges Sa Sainteté!
Car sa colère dure un instant,
mais sa grâce toute la vie;
le soir arrivent les pleurs,
et le matin l'allégresse.

Psaume XXX.5-6
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Envoyer un e-mail
Pierre

Invité





MessagePosté le: Jeu Mar 30, 2006 18:47    Sujet du message: Répondre en citant

Concernant l’Irak, je ne suis pas du tout convaincu avec Thomas et Timothée. Ce pays qui étaient déjà sous l’embargo des USA depuis plusieurs années avaient, entre autres, provoqué des milliers d’enfants morts faute de médicaments et autres produits médicaux. Ce pays souverain n’était en guerre avec aucune autre nation.
Le drame du 11 sept à été un prétexte pour nous faire croire à une « légitime » guerre préventive doublé du mensonge éhonté de l’existence - d’armes de destructions massives -. Aujourd’hui des scientifiques spécialisés en Bâtiment et autres ont établis l’impossibilité des deux seuls avions à faire s’écrouler sur elle-même les deux tours jumelles ainsi que quelques autres tours proches de celles.ci. Le trou du Pentagone est ridiculement trop petit pour que cela puisse venir d’un avion.
Si la France n’était pas « aux côtés de ses alliés » c’est tout simplement mais pas seulement, à cause de l’euro car les pays producteurs de pétrole veulent désormais se faire payer en euro pour renverser les USA.
Par ailleurs, l’enjeu actuel de ces pays producteurs est de vouloir mettre le pétrole en Bourse. C’est justement à cause de cela que les USA envisageraient une guerre contre l’Iran, et les économistes alarmés par une éventuelle crise majeure économique mondiale.

Nous avons moins à craindre de l’islam et de l’islamisation de la France, mais plutôt de l’américanisation de la France, sachant que l’on s’inspire de l’Amérique dans ce qu’elle a de plus vil, comme par exemple ces hordes de pillards ou de gangs de rappeurs américains porteurs d’une esthétique –grosses voitures, chaînes en or et fausses blondes en maillot de bain- ne relevant que de loin de l’esthétique islamiste.

Ces choses dites, la France n'est pas une terre d'islam. Et ce n'est pas à la France de s'adapter à l'islam, mais à l'islam de s'adapter à la France, pour autant qu’il soit possible qu’elle redevienne authentiquement chrétienne et anti-Révolutionnaire.
Revenir en haut de page
Ours Martin

Modérateur


Inscrit le: 16 Sep 2005
Messages: 289
Localisation: Paris

MessagePosté le: Jeu Mar 30, 2006 19:21    Sujet du message: libre à vous Répondre en citant

Pierre,

Comme je le disais dans mon poste précédent, l'appréciation de chacun dépend de sa vision des choses. La votre me semble tout à fait identifiable idéologiquement et, hélas, influencée par de délirantes
théories du complot. Il m'apparaît véritablement choquant de propager de telles thèses qui ne sont, disons-le, qu'une forme douce de négationnisme.

Quant à estimer que le danger américain est supérieur à celui que représente l'islamisme, je vous laisse là-aussi libre de vos propos: le temps se chargera hélas de monter que vous avez tort.
_________________
L'Ecriture sainte toute entière, du début jusqu'à la fin, indique et montre uniquement le Christ.
Luther.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Avel

Consacré !


Inscrit le: 18 Mar 2004
Messages: 189
Localisation: Paris

MessagePosté le: Jeu Mar 30, 2006 19:27    Sujet du message: Répondre en citant

Pierre a écrit:
Nous avons moins à craindre de l’islam et de l’islamisation de la France, mais plutôt de l’américanisation de la France


J'ai en dégout l'occident, Etats Unis compris, mais à choisir entre deux maux je préfère vivre dans l'empire américain que dans l'empire musulman. Les Etats Unis dans leur tradition ne sont pas anti-chrétiens alors que l'islam l'est par essence.

Pierre a écrit:
Ces choses dites, la France n'est pas une terre d'islam. Et ce n'est pas à la France de s'adapter à l'islam, mais à l'islam de s'adapter à la France


Demander à l'islam de s'adapter à la france c'est lui demander de cesser d'être l'islam. Si j'étais à la place des musulmans, je ne céderais pas.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Augustinus

Consacré !


Inscrit le: 30 Juin 2004
Messages: 1298
Localisation: Patriarcat Virtuel

MessagePosté le: Jeu Mar 30, 2006 21:29    Sujet du message: Répondre en citant

Pierre, je trouve vos propos pour le moins douteux (pour ne rien dire de plus).
Je n'ai rien à ajouter aux interventions de Dallaeus et Avel, sinon qu'en ce qui concerne le danger de l'islamisation (que vous rêvez être moindre que celui de l'américanisation), vous devriez lire ceci:

http://fltr.free.fr/phpBB2/viewtopic.php?t=222

J'espère que vous comprenez mieux, maintenant, le genre de menace que représente l'Islam?

De plus, si la charia est inhérente à l'Islam, les gangs ne sont pas inscrits dans la Constitution Américaine; donc, a priori, la nature de la menace n'ets aucunement similaire, et faire un parallèle entre les deux est invraissemblable.
_________________
Chantez à l'Eternel, vous qui l'aimez,
Célébrez par vos louanges Sa Sainteté!
Car sa colère dure un instant,
mais sa grâce toute la vie;
le soir arrivent les pleurs,
et le matin l'allégresse.

Psaume XXX.5-6
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Envoyer un e-mail
Pierre

Invité





MessagePosté le: Jeu Mar 30, 2006 22:05    Sujet du message: Répondre en citant

Depuis la création du Royaume saoudien jusqu’à nos jours, les Etats-Unis ont soutenu directement ou indirectement la plupart des mouvements islamistes dans le monde, afin non seulement de porter un coup fatal à l’aggiornamento de l’Islam et de maintenir le monde musulman dans le sous- développement et la dépendance technologique, mais également afin d’élaborer une alliance avec la frange la plus anti-européenne du monde islamique dans le but d’évacuer à jamais les anciennes puissances coloniales européennes d’Orient et d’Afrique. L’alliance Etats-Unis-Arabie saoudite est le paradigme et l’illustration parfaite de cette stratégie, et les Américains appliquent à nouveau la même recette en Asie centrale et avec les Taliban. Face à la menace soviéto-communiste, ils n’ont pas hésité, en effet, à promouvoir l’arme redoutable du fanatisme islamique pour détruire de l’intérieur l’Empire soviétique. Cette stratégie se révélera être l’un des leviers essentiels de la formidable ascension des mouvements islamistes actuels. Telle est la thèse largement développée d’un essai de géopolitique, "L’islamisme et les Etats-Unis, une alliance contre l’Europe", éditions l’Age d’Homme, collection Mobiles géopolitiques, 1998, dont la paternité revient au Général P.M. Gallois qui fut le premier à la développer dans son ouvrage "Le soleil d’Allah aveugle l’Occident».

Il ne faut donc pas confondre la politique de Buchs et de Washington avec ce qu’il y a de meilleur du peuple américain. Quand à la foi chrétienne, je comparerais les USA à la tribu de Juda et l’Occident au royaume d’Israël.

Concernant le qualificatif « complot » que certains nombrilistes francophone aiment à désavouer sont eux-mêmes sous l’influence de ce que l’on appelle la désinformation. Il n’y a qu’à relire le livre de Pascal Bernardin à ce sujet.

Par ailleurs, la pérestroïka a radicalement modifié la donne politique tant à l'échelon national qu'à l'échelon international. En particulier l'usage de la violence physique est en passe d'être prohibé pour être remplacé par une coercition désincarnée, abstraite. Finance, media, idéologie, éducation et culture sont parmi les principaux vecteurs de cette nouvelle forme de totalitarisme, insidieux mais d'autant plus efficace.
Revenir en haut de page
Montrer les messages depuis:   
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet    Semper Reformanda Index du Forum -> Ethique Toutes les heures sont au format GMT + 1 Heure ( heure d'hiver )
Aller à la page 1, 2, 3, 4  Suivante
Page 1 sur 4

 
Sauter vers:  
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum


Powered by phpBB © 2001, 2005 phpBB Group
Traduction par : phpBB-fr.com