Semper Reformanda

[Calvinius]

Fréquence Protestante, chroniques du 28/11 au 2/12/2005
Pasteur Vincent Bru, Eglise Réformée Evangélique

28/11/05 : Le malaise des banlieues, ou la crise du pacte républicain

Les violences urbaines qui se déroulent sous nos yeux depuis plusieurs semaines, diffusées largement par les médias, ne manquent pas de nous interpeller. Elles nous font mesurer, plus encore que le poids des mots, la fragilité du lien social qui existe dans notre pays. Lien social assuré, autrefois, en grande partie, par la religion, et qui, aujourd’hui, se réduit essentiellement à ce que l’on a coutume de nommer le « pacte républicain » : sentiment d’appartenance à la communauté nationale ; respect des lois de la République. Mais est-ce bien suffisant ? Il s’agit, en tout cas, du plus petit dénominateur commun. De l’exigence minimal pour permettre le vivre ensemble, et pour garantir la paix.

Face au malaise des banlieues et au déferlement de violence aveugle auquel nous assistons, il n’est pas aisé d’avoir la bonne attitude. Une chose néanmoins me paraît évidente, c’est que, d’un point de vue biblique, la fonction première de l’Etat est précisément de garantir la sécurité de chacun, de faire en sorte que le droit soit respecté sur tout le territoire, car la loi est la même pour tous. Je pense à cette parole de l’Apôtre Paul dans son Epître aux Romains : « Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures ; car il n’y a pas d’autorité qui ne viennent de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées par Dieu. » Et encore : « Les gouvernants ne sont pas à craindre quand on fait le bien, mais quand on fait le mal (…) car elle est au service de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, sois dans la crainte ; car ce n’est pas en vain qu’elle porte l’épée, étant au service de Dieu pour montrer sa vengeance et sa colère à celui qui pratique le mal. » (Rm 13.1ss)

Lorsqu’il s’agit de défendre la cause de la veuve et de l’orphelin, ceux qui nous gouvernent doivent savoir faire preuve de la plus grande fermeté. Néanmoins, il est aussi évident que l’Evangile nous invite à œuvrer pour la paix et la réconciliation, en faisant preuve de compassion et de miséricorde, et en travaillant à l’avènement d’une société plus juste, ou la dignité de chacun soit reconnue et respectée, et où chacun puisse trouver sa place. L’enjeu pour l’avenir de notre monde se trouve, sans nul doute, dans un juste équilibre entre fermeté et miséricorde, respect de la loi et main tendue ! Et je voudrais terminer par une citation du philosophe grec Platon qui disait, en guise d’avertissement :

"Lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants,
Lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles,
Lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves
et préfèrent les flatter,
Lorsque finalement les jeunes méprisent les lois
parce qu'ils ne reconnaissent plus,
au-dessus d'eux, l'autorité de rien et de personne,
alors,
c'est là, en toute beauté,
et en toute jeunesse,
Le début de la tyrannie."

Platon, 429-347 avant J.C.
_________________
" Il n'est pas de domaine de la vie des hommes dont le Christ ne puisse dire : "c'est à moi"" (Abraham Kuyper)

[Augustinus]

Il y a aussi un problème de langage et de mentalité.
Qui n'a pas déjà entendu (et ré-entendu), dans des reportages et autres documentaires sur les banlieues, la phrase:
Je veux m'en sortir,, ou: On veut s'en sortir. ?

Or je pense que cette formule est fondamentalement négative et qu'elle ne saurait être constructive.

1. "Je veux m'en sortir" est dépressiatif:

Quand on veut "s'en sortir", cela suggère qu'on est dans la m****, voir même, qu'on est un "looser" qui veut devenir un gagnant.
Dès lors, on met son présent à la poubelle pour tout miser sur un avenir hypothétique, ce qui, en gros, s'appelle "passer à côté de sa vie, d'autant qu'on ne vit jamais que dans le présent.

2. "Je veux m'en sortir" ne peut être un vrai projet de vie:

Vouloir s'en sortir, c'est bien, mais quand on s'en sort, c'est la fin de l'histoire: out!
Qu'on regarde les rappeurs:
au début, ils chantent leur colère contre une société de laquelle ils se sentent étranger, et scandent qu'ils veulent, ni plus ni moins, s'en sortir...
Mais dès lors qu'ils ont du succès et s'enrichissent, étant élevés au-dessus de la plupart des gens qu'ils critiquent, peuvent ils encore aspirer à "s'en sortir"?
Non!
Quand on s'en sort, on s'embourgeaoise, et pour cette raison d'ailleurs, on est parfois considéré comme un traitre par ceux qui ne s'en sont pas sortis...(!)
"Vous ne pouvez plus nous comprendre";
"Vous êtes devenus comme eux", etc;
En somme, la seule issue serait la révolution perpétuelle, aussi absurde que ruineuse...!
Bref, à la fin, on ne veut plus 'en sortir , on veut vouloir s'en sortir, ce qui est très différent

3. "Je veux m'en sortir" ne donne aucune solution:

Lorsqu'on dit vouloir s'en sortir, on ne dit rien.
A peine a-t-on esquissé son problème, et son idéal..........
Je dis bien "à peine", car le problème n'est pas vraiment cerné, ou définit, et l'idéal est laissé, encore plus abstraitement, comme l'opposé de la situation actuelle.
En tous cas, "je veux m'en sortir" ne donne aucune solution pour faire le transit.

Il faut donc remplacer la formule par, je veux réussir!

1. "Je veux réussir" n'est pas dévalorisant:

Tout le monde veut réussir, et pas seulement les ratés ou ceux qui sont en échec!
"Je veux réussir" ne condamne pas le présent de l'individu qui l'emploi!
Sans porter de jugement dépressiateur (et désespérant) sur la situation actuelle, sans coller l'étiquette de "actuellement looser" sur celui qui l'emploi, le "je veux réussir" optimise sa vie lui donnant un but définit et réalisable!
Nous avons vu que nous ne vivons jamais que dans le présent, l'actuel
Envisager et préparer l'avenir est certes bon et nécessaire, cependant, en lui sacrifiant le présent, on passe à côté de sa vie:
on ne vit plus sa vie, on la rêve !

2. 3je veux réussir" n'est pas apocalyptique:

"Réussir" peut être un but permanant:
On peut toujours relever la barre plus haut pour réussir toujours plus (ce n'est pas THE stade ultime et radical du "s'en sortir");
La réussite, sans tomber dans la folie de la révolution perpétuelle, est toujours à réactualiser.
Si "s'en sortir" est la fin de l'histoire pour celui qui voulait s'en sortir, réussir est au contraire un projet toujours actuel, viable et dynamique.

3. "Je veux réussir" contient la solution pour atteindre son but:

Comment fait-on pour "s'en sortir"?
Par quoi s'en sort-on?
Que fait-on du présent, du "maintenant" ou l'on ne s'en est pas encore sorti?
Est-il viable de déchirer son présent de son avenir aussi radicalement?
"Je veux m'en sortir" n'est définitivement rien qu'une illusion ravageuse , d'autant qu'il ne répond à RIEN de tout cela!
Par contre, comment fait-on pour réussir?
Par quoi réussit-on?
Il est bien évident que, contrairement à l'abstraction de "s'en sortir", "réussir" relève du concret: on réussit par ce que l'on fait, dans ce que l'on fait
Et ce que l'on fait, c'est maintenant!

Vouloir réussir est une ré-union du présent avec l'avenir, ceui-ci n'étant plus fantasmé aux dépends du premier, mais les deux étant réconciliés, concrètement, dans l'existence de l'individu.
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Chantez à l'Eternel, vous qui l'aimez,
Célébrez par vos louanges Sa Sainteté!
Car sa colère dure un instant,
mais sa grâce toute la vie;
le soir arrivent les pleurs,
et le matin l'allégresse.
Psaume XXX.5-6